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Exposition "Les Arts en France sous Charles VII
(1422-1461)" (Musée de Cluny, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 15 avril 2024

L’extraordinaire renouveau artistique que l’art va connaître sous le règne de Charles VII a retenu l’attention du Musée de Cluny-Musée national du Moyen-Âge (Paris) pour sa dernière exposition visible jusqu’au 16 juin prochain.

« Les Arts en France sous Charles VII (1422-1461) » met en effet en lumière ce moment charnière de l’histoire de l’art.

 

Alors que le royaume de France connait la guerre de Cent Ans, de profondes mutations politiques et artistiques interviennent au cours des années 1420. A cette époque, alors que les Anglais et les Bourguignons occupent le nord du royaume, plusieurs foyers artistiques émergent.

Toutefois, il reviendra au dauphin Charles de récupérer son trône, puis son royaume, ce qui sera chose faite grâce notamment à Jeanne d’Arc, afin de permettre à ce renouveau artistique de s’exprimer pleinement.

Bientôt, de grands commanditaires, à l’image de Jacques Coeur, font appel à une nouvelle génération d’artistes, lesquels adoptent le réalisme à la flamande (ars nova) ainsi que l’héritage antique, alors sous influence italienne, et développé par des artistes comme Filippo Brunelleschi, Donatello ou Giovanni Bellini. Force est de constater que la création artistique, délaisse peu à peu le gothique international pour se tourner vers une nouvelle vision de la réalité, prémices de la Renaissance.

 

L’actuelle exposition a le mérite de combler un vide, à savoir la période artistique intermédiaire, après la mise en valeur de l’art au XVème siècle à travers deux précédentes expositions, « Paris 1400 : les arts sous Charles VII », et « France 1500 : entre Moyen Âge et Renaissance.

Le parcours de visite de l’évènement qui nous intéresse offre d’admirer une synthèse non-exhaustive des arts au temps de Charles VII dans les territoire sous obédience royale, même si le royaume de France doit faire face à un contexte économique et politique particulièrement chaotique. En effet, le roi de France est déshérité en 1420 au profit du souverain anglais, et la guerre de Cent Ans ne s’achève qu’en 1453.

Dans le domaine artistique, la France semble écrasée par ses deux voisins, les Pays-Bas Bourguignons et l’Italie, qui connaissent un essor sans précédent, en dépit des conditions de création, du statut et de la diversité sociale des commanditaires, des divers foyers de production et de la circulation des modèles à travers toutes les techniques, tout en offrant un tout autre visage artistique, trop souvent dépeint comme sombre à cause de la guerre, de la famine et de la misère.

 

Depuis 1420, ce sont les Anglais qui font la loi au royaume de France : ayant la mainmise sur le royaume et le dauphin (alors réfugié à Bourges et exclu de la succession), il leur faudra bientôt affronter Jeanne d’Arc, laquelle redonnera confiance au dauphin et rendra possible son sacre à Reims en 1429. Une fois la paix obtenue avec les Bourguignons en 1435, le jeune Charles VII entreprend des réformes militaires et institutionnelles nécessaires à la reconquête des territoires détenus par les Anglais, puis s’efforce de mener à bien la réorganisation du royaume.

Là encore, Charles VII, trop souvent (et abusivement) décrit comme une personnalité faible et indécise, se révèle alors amateur de livres et de faste, entouré de grands officiers (et mécènes éclairés) eux-mêmes très engagés dans l’avant-garde artistique de leur époque. Le jeune roi aurait ainsi accordé aux arts et lettres « un souci marginal »

 

Guerre de Cent Ans ou pas, la France offre l’image d’un royaume dont les arts sont à la fois dynamiques et contrastés. Même si les années 1420-1440 marquèrent le pas, les deux dernières décennies du règne de Charles VII offrent un vrai renouveau. Même si Paris reste un foyer de création abondante durant toute la période, d’autres foyers artistiques émergent ici et là, portés par les commandes de grands commanditaires (grands princes de Bretagne, d’Anjou et du Bourbonnais), la bourgeoisie montante (en Touraine et en Champagne) et par un clergé entreprenant. De leur côté, les artistes nomades parcourent le royaume et diffusent au passage styles et modèles. Cependant, il est à noter que tous ces foyers artistiques n’offrent pas la même vitalité ni la même perméabilité à la modernité.

Le contexte historique entre en compte dans le développement des foyers artistiques : le passage plus ou moins fréquent des troupes mais aussi l’implication des différentes parties du royaume dans le conflit entre France et Angleterre pèsent alors sur l’importance des commandes et la qualité des productions artistiques.

Concernant les années 1420-1440, le timide essor artistique ne signifie aucunement l’absence de création. Ainsi la Bretagne et plus généralement le Grand Ouest, territoires largement épargnés par les combats, entreprennent de vastes chantiers.

L’exemple de Paris est un cas à part : la ville demeure un foyer dynamique, notamment dans le domaine du manuscrit enluminé, mais également dans les productions de luxe, surtout autour du Maître de Bedford, alias Haincelin de Haguenau.

Certaines régions dont les artistes se déplacent beaucoup sont placées dans l’orbite parisienne à l’exemple de la Champagne, du Grand Ouest et de la Bretagne. D’autres, comme la Provence ou la Touraine, font au contraire figure de lieux novateurs sous l’impulsion d’artistes majeurs comme Barthélémy d’Eyck, Enguerrand Quarton ou Jean Fouquet.

L’Anjou, le Bourbonnais, le Languedoc royal et la Bretagne échappant à l’autorité du souverain, on construit des cathédrales (et plus rarement, des chapelles privées) avec le soutien financier des princes locaux (duc de Bretagne, duc d’Anjou) compte tenu de la pose de couteuses vitreries.

Dans le Maine, la conquête du Mans par les Anglais, puis sa reprise par les Français, n’affectera pas de manière significative les travaux.

La Normandie, et plus particulièrement Rouen (laquelle connaître une relative prospérité artistique durant l’occupation anglaise) connaitront une activité encore plus importante lors de leur reconquête par la France.

Lors de l’occupation du royaume de France, occupation d’ailleurs plus bourguignonne qu’anglaise, lieux de pouvoir et foyers de création se décentrèrent, poussant alors les artistes à s’éloigner de la capitale pour trouver de nouveaux clients. Certains s’installent alors à Rouen ou à Amiens. Les centre périphériques auront tout à gagner dans la venue de ces artistes qui feront rayonner durablement le style parisien précédemment déployé depuis les années 1400.

 

Qui sait, le début de la Renaissance date-t-il peut-être du règne de Charles VII tant celui-ci porte en germes l’incroyable renouveau artistique de cette fin du XVème siècle.

D’un côté, on observe les premières avancées de l’art à l’antique en provenance d’une péninsule italienne aiguisant les appétits politiques et artistiques, et de l’autre, le réalisme à la flamande qui pénètre toutes les techniques. Le rayonnement de la cour de Bourgogne entraine ainsi la diffusion de son modèle et de « l’ars nova » flamande. Et cette nouvelle création de délaisser progressivement le gothique international pour adopter une nouvelle réalité. Bientôt, la Renaissance italienne en plein essor s’exporte hors d’Italie et commence à inspirer artistes et commanditaires du nord des Alpes.

Après la reconquête du royaume de France par Charles VII, la lourde tache de reconstruction s’imposera sur trois axes : l’architecture, le vitrail et la sculpture.

D’emblée, cinq chantiers supplanteront les autres :

 

Tout d’abord, celui de la cathédrale du Mans, que des financements croisés dotent, entre autres, d’une immense rose accostée de quatre galeries de portraits.

Tours et Bourges, lieux de résidence royale, connaitront des travaux d’envergure grâce à l’implication des fidèles du roi et des ducs d’Anjou.

Quant à Paris, dont les habitants n’aideront pas Jeanne d’Arc à renverser l’occupant en place lorsque celle-ci tentera de reprendre la capitale le 8 septembre 1429, elle fera figure de parent pauvre lors de la reconstruction du royaume : le roi ne soutiendra que modestement les travaux nécessaires à la restauration de la magnificence perdue de la cité, exception faite de l’Eglise des Augustins, de celle du Grand Pont, du pont de Saint-Cloud, ou de la façade de l’église Saint-Martin-des-Champs.

 

Achevons ce tour d’horizon en soulignant le rôle de l’oeuvre de Jean Fouquet dans l’avènement de cet art nouveau. Considéré comme l’un des plus grands peintres de la première Renaissance et le rénovateur de la peinture française, du XVème siècle, l’artiste puisera aux différentes sources, à savoir l’Ars nova et l’art italien, les deux tendances artistiques les plus avancées de l’époque, afin de créer son propre art et sa propre vision de la réalité. C’est de cette synthèse que naitra un art profondément original et renouvelé, qui ouvrira les voies de la Renaissance en France.

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition «Les Arts en France sous Charles VII (1422-1461) », jusqu’au 16 juin 2024, au Musée de Cluny- Musée national du Moyen-Âge, 28 rue du Sommerard, à Paris (5ème).
  • Catalogue de l’exposition, 304 pages, 250 illustrations, 45€.









 



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