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Exposition "Ripostes! Archives de luttes et d'actions 1970-1974"
(La Contemporaine, Nanterre, Hauts-de-Seine, France)
Heure locale

 

Lundi 4 mars 2024

Jusqu’au 16 mars prochain se tient une passionnante exposition conçue à partir de près de 500 pièces (documents d’archives, affiches, journaux, revues, brochures, tracts et photographies) issues des collections de la contemporaine à Nanterre. Cet évènement donne à voir les nombreuses luttes politiques et sociales qui survinrent dans notre pays au début des années 1970, à une époque où la France était encore portée par la vague révolutionnaire de mai 68 et gouvernée par un pouvoir partisan de la répression policière et judiciaire dans un contexte d’un monde sous tension (à l’exemple du Vietnam, du Chili ou du Moyen-Orient), tout en se gardant bien de se livrer à des conclusion hâtives, se bornant à restituer les différents points de vue des « militants » d’alors.

 

A une époque où la France avait deux camps opposés : des organisations d’extrême-gauche déterminées à en découdre, et l’État, décidé à ne pas se laisser faire, il est intéressant d’étudier d’une part les forces en présence et de l’autre, le champ de bataille :

 

Les forces en présence

Dans ce face-à-face qui oppose l’État aux mouvements contestataires, c’est Raymond Marcellin, ministre de l’intérieur, de mai 1968 à février 1974, qui incarne la politique de répression. Sa recette est simple : mettre la police au service de la lutte contre la « subversion marxiste ».

Rappelons qu’en ce temps-là, les gauchistes qui se trouvent presque tous en dehors du jeu parlementaire, sont divisés en plusieurs courants.Un seul point commun entre eux : la critique des positions du parti communiste.

 

Les militants d’extrême-gauche, eux, s’inscrivent dans une longue traduction de luttes sociales et dans des dynamiques qui franchissent largement les frontière de l’Hexagone», partageant une riche mémoire militante, des références théoriques,et une certaine vision du monde.

 

Quant au camp révolutionnaire, deux organisations inquiètent réellement le pouvoir, même si ce dernier dispose d’un arsenal légal pour les combattre et poursuivre leurs militants. Ces association seront dissoutes par décision du conseil des ministres, en mai 1970 pour la Gauche prolétarienne (maoïste) et en juin 1973 pour la Ligue communiste (trotskiste).

 

 

Le champ de bataille

Nous l’évoquions plus haut, les tensions sont nombreuses dans le monde au début des années 1970. Certains pays sont en guerre tandis que d’autres connaissent des coups d’État. Au même moment, des pays européens sont gouvernés par des régimes autoritaires et répressifs (l’Espagne de Franco, la Grèce des colonels et le Portugal salazariste), des violences récurrentes ont lieu en Irlande du Nord et des mouvements de lutte armée apparaissent en Allemagne fédérale et en Italie.

Toutefois, la France ne connaitra pas une intensité des conflits comparable à ses voisins. La riposte « gauchiste » se déploie en multiples « batailles », et simultanément sur plusieurs fronts :

 

- On se bat alors pour une information libre, au travers de mobilisations de solidarité et de soutien.

 

- Les actions visant à dénoncer des inégalités, des injustices, des abus de pouvoir ou des violences impose la question de la différence entre légalité et légitimité.

 

Il reste que toutes les mobilisations ne sont pas spectaculaires et ne connaissent même pas un écho national.Les lieux de la contestation redessinent aussi une géographie parfois oubliée, à l’exemple des usines automobiles de Boulogne-Billancourt et de Flins, de l’usine du Joint français à Saint-Brieuc, de la fronde des citoyens contre le paiement de l’impôt à Montargis et de la bergerie illégale de la Blaquière sur le plateau du Larzac, qui fait office de « cathédrale de la désobéissance.

 

Les réminiscences de mai 68 se font bel et bien sentir en janvier 1970, lorsque persiste l’agitation étudiante, notamment à Nanterre. Le 9 mars, Gérard Nicoud entre dans la danse en appelant les petits commerçants à la grève de l’impôt tandis que la France subit une grève générale des commerçants et des camionneurs entre les 19 et 24 mars , bientôt suivie par une autre grève des commerçants le 8 avril.

 

Notre pays connaît bientôt une levée de bouclier contre le projet de la loi anti-casseurs, votée le 30 avril 1970 : cette loi destinée « à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance » est alors portée par René Pléven et Raymond Marcellin, respectivement ministres de la Justice et de l’intérieur du gouvernement Chaban-Delmas. Les syndicats ainsi que tous les partis et organisations de gauche lancent une mobilisation générale contre ce texte fin avril. D’abord surnommée « Loi Marcellin », le texte deviendra bientôt « loi anticasseurs ».

 

C’est qu’après 68, la contestation ne s’est jamais tue. L’espace de la contestation s’est simplement diversifié, et les « gauchistes » ouvrent de nouveaux fronts de contestation. Les Maoïstes, eux, ne tardent pas à empiéter sur les terres du parti communiste puis contestent l’hégémonie de la CGT dans les forteresses ouvrières des usines comme Renault par exemple.

A l’annonce par Michel Debré, alors ministre de la Défense, le 28 octobre 1971, de l’extension du camp militaire du Larzac,6000 manifestants défilent à Millau (12) contre ce projet.Un an plus tard, le 14 juillet, ils seront 20000 à défiler à Rodez (12), puis 80000, le 25 août 1973. Il s’agit cette fois d’un rassemblement organisé par les Paysans-travailleurs à la Cavalerie (12). Décidément, l’armée fait l’unanimité contre elle à tel point qu’en 1973, des manifestations lycéennes auront lieu en avril contre la loi Debré qui supprime les sursis longs au service militaire.

 

Un autre dossier inquiète la gauche française, celui de la création, en 1969, de l’ Ordre nouveau, un mouvement politique alors décrit par ses détracteurs comme nationaliste et d’extrême droite, et dont le crédo est pourtant la renaissance du patriotisme, la promotion d’une hiérarchie des valeurs et la restauration familiale et éducative. Un projet impensable pour l’extrême gauche qui multipliera les attaques, avec, entre autres, les émeutes du 21 juin 1973 à Paris qui donneront lieu à de violents affrontements opposant des contre-manifestants d’extrême gauche aux forces de l’ordre. Ce jour-là, on dénombrera d’ailleurs un nombre important de policiers blessés. Devant une telle levée de bouclier, l’Ordre nouveau et la Ligue communiste d’Alain Krivine seront purement et simplement dissous par décret du Conseil des ministre du 28 juin de la même année.

Comme nous l’explique l’exposition présentée, la vie politique dans notre pays n’est pas un long fleuve tranquille.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition «  Ripostes ! Archives de luttes et d’actions 1970-1974 » jusqu’au 16 mars 2024, à La Contemporaine, Université Paris Nanterre, 184 cours Nicole Dreyfus, à Nanterre (92)
  • Catalogue de l’exposition disponible au prix de 29€ (271 pages) aux CNRS Editions/La Contemporaine.

 





 



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