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Exposition "Cabarets"
(Centre national du Costume et de la Scène, Moulins, Allier, France)
Heure locale

 

Lundi 29 janvier 2024

 

L’exposition « Cabarets », présentée jusqu’’au 30 avril prochain par le Centre national du costume et de la scène de Moulins (03) a de quoi nous faire rêver. 120 costumes en provenance de maisons historiques comme le Paradis Latin, le Moulin Rouge, le Lido, le Crazy Horse ou Chez Michou mais aussi d’autres artistes indépendants, illustrent le spectre de la création depuis l’excellence des métiers d’art, ateliers spécialisés, créateurs haute couture, jusqu’à celle de la débrouille astucieuse où tout est mis en œuvre pour permettre au public de passer une soirée d’exception, loin des turpitudes quotidiennes.

Le visiteur est ainsi convié à une (re)découverte d’un cabaret à la fois élégant et insolent, agrémentée de grandes figures comme celles de Zizi Jeanmaire, Line Renaud, Jean-Marie Rivière, Michou, Dita Von Teese, sans oublier les créatures fantasques actuelles comme la Big Bertha, l’Oiseau Joli, Kiki Béguin, Miss Knife...

 

Toujours au goût du jour, le cabaret trouve ses racines dans les cafés-concerts parisiens du milieu du 19ème siècle, où chacun pouvait venir prendre un verre, fumer, écouter d’authentiques chanteurs ou tenter de monter sur scène. Ces cafés-concerts, qui étaient à la fois des lieux de rencontres variées plus ou moins prévisibles, des lieux de diversité, de mixité sociale et d’émancipation, élargissent peu à peu leur programmation à une large palette de propositions artistiques durant le 19ème siècle.

Des établissements de variété font alors leur apparition : les Folies Bergères en 1869, le Chat Noir en 1881, le Moulin Rouge en 1889, qui voit la même année ouvrir le Paradis Latin, lequel passe alors de théâtre à « lieu d’excentricités ».

Le Music-Hall, terme apparu en Angleterre, envahit bientôt les capitales européennes entre la fin du 19ème et les années 1930. Paris voit alors apparaître de nombreuses salles qui s’emparent de ce genre de spectacle, fréquentées par une clientèle à la fois française et étrangère. Et le destin de ces salles de connaître des fortunes diverses, avec des spectacles de revue pour certaines, et des représentations de cabarets plus intimistes à l’exemple de Chez Michou (où le transformisme permet aux couples gay de se divertir dès 1956) ou des caves du Quartier latin où la jeunesse des années 1960 se lâchent sur des musiques endiablées.

En ce début du 21ème siècle,les cabarets s’affirment pleinement dans le paysage de la création contemporaine.

 

Le parcours de l’exposition « Cabarets » traverse treize salles :

 

Salle 1 – Le foyer

 

Cette salle recèle des souvenirs jalonnant l’histoire du cabaret, qui nous est familière à travers quelques noms, quelques chansons et par les illustrateurs et peintres d’hier comme Toulouse-Lautrec, Steinlen ou Willette à Montmartre, et les affiches du Chat Noir ou du Moulin Rouge.

On connait tous des artistes, entrepreneurs et animateurs qui ont fait les belles nuits du cabaret. Une seule couleur suffit parfois à le faire revivre : la Dame en noir, l’Homme en bleu, le découvreur de talents toujours vêtu de blanc, l’indémodable Line en lamé or et plumes. Reines et rois de la nuit sont là pour accueillir les hôtes.

 

Salle 2 – La loge

 

Espace de préparation et de transformation des artistes, la loge est aussi un lieu d’intimité et de convivialité qui prend des formes différentes selon les cabarets. Au cœur des coulisses, à l’abri des regards du public tantôt située près de la scène, tantôt éloignée, l’endroit concentre différentes fonctions physiques, matérielles, allégoriques et sociales.

Petite lorsqu’elle est individuelle, réservée aux têtes d’affiches, aux meneuses de revue, aux danseuses et danseurs principaux, elle devient plus grande lorsqu’elle est commune et partagée avec d’autres artistes. Equipées de miroirs, d’ampoules rayonnantes, de tables et de chaises, de portants, de patères et de banquettes, les loges fourmillent de petits objets, de porte-bonheurs, photos, souvenirs et autres grigris personnels conçus pour protéger l’artiste.

On s’y maquille, on s’y coiffe, on y revêt son habit de lumière grâce aux effets personnels qui s’y trouvent, comme ces grosses valises rassemblant perruques, collants, costumes, accessoires, bijoux, chaussures, chapeaux, éventails et gabrielles.

 

Salle 3 - Paradis Latin

 

Cet établissement, qui est situé dans le Quartier Latin, fait figure de plus vieux cabaret de Paris. Le Théâtre Latin, haut lieu de la vie parisienne pendant plusieurs décennies est détruit durant la guerre franco-prussienne, puis est reconstruit par Gustave Eiffel dans le cadre de l’Exposition Universelle. Le théâtre présente alors spectacles d’opérettes, de ballet, de pantomime et d’excentricité jusqu’aux années 1930. Quarante s’écoulent, jusqu’à ce que l’établissement ne renaisse en 1977 grâce à Jean-Marie Rivière (lequel a déjà fait le succès de plusieurs cabarets rive gauche) qui reprend la direction artistique et enchaine les revues. Puis, en 2018, Walter Butler rachète le Paradis Latin et le fait restaurer dans le style des années 1930. L’Oiseau Paradis réunit alors sur la même scène une trentaine d’artistes interprètes et décline tous les codes du music-hall, à travers une quinzaine de tableaux mêlant effets spéciaux et nouvelles technologies, ainsi que des chorégraphies dansées sur des musiques populaires. Il ne faudra que quelques mois au nouveau metteur en scène Kamel Ouali pour créer 300 costumes de style moderne ou historique, aux couleurs flamboyantes et ornés de strass, de broderies et de plumes.


 

Salle 4 – Moulin Rouge

 

Connu dans le monde entier, le Moulin Rouge est considéré comme l’un des plus anciens music-halls encore en activité à Paris. Et ses revues emblématiques attirent les foules. La revue Féerie, à l’affiche depuis 24 ans en témoigne à travers ses quatre grands tableaux : l’histoire, l’exotisme, le spectaculaire et Paris. Chaque représentation nécessite pas moins de 1000 costumes, des tenues fabriquées et entretenues par des maisons d’art : l’Atelier de Création, la Maison Février, la Maison Clairvoy et l’Atelier Valentin. Une concentration de savoir-faire qui permet au célèbre cabaret de participer à la préservation des métiers d’art et du patrimoine artisanal.

Qui dit Moulin Rouge évoque le French Cancan, dont les origines remontent au milieu du 19ème siècle, à l’époque interprété par les danseuses Jane Avril et La Goulue. La troupe du Moulin Rouge se compose de 90 artistes provenant du monde entier.


 

Salle 5 - Le Lido

 

Ouvert en 1946, ce cabaret inaugure une nouvelle forme de spectacle sur la célèbre avenue des Champs-Elysées en déployant des revues inédites et modernes portées par une équipe artistique nord-américaine. Les tableaux alternent entre univers féériques et immersions exotiques à destination d’un public international déjà séduit par les productions de Broadway, d’Hollywood et de Las Vegas.

C’est au dessinateur et costumier Folco Lazzaroni que l’on doit les costumes du Lido. Celui-ci créa toutes les revues, entre 1954 et 1994, sur un style fastueux et élégant qui ont fait le succès du cabaret.

Les artistes du Lido se distinguent par leur grande taille et leur hiérarchie : le corps de ballet est composé des bluebell, puis des nues danseuses, des belles, puis des principales danseuses et de la meneuse (qui chante et danse). Les hommes, eux, portent le nom de Lido Boys.

Fermé en août 2022, le « Lido2Paris » a rouvert en janvier 2023 avec une nouvelle production de la comédie musicale Cabaret, inaugurant ainsi une nouvelle orientation pour ce théâtre devenu musical.

 

Salle 6 – Le Crazy Horse

 

C’est en 1951 que ce cabaret ouvre ses portes pour la première fois au N°12 de l’Avenue George V à Paris sous l’impulsion d’Alain Bernardin. Depuis 73 ans, le Crazy Horse présente des spectacles célébrant la femme et la féminité mêlant art, musique, danse et mode grâce aux Crazy Girls, et à l’opposé des grandes revues parisiennes.

Les costumes du Crazy Horse reposent sur leur solidité, leur maintien et la protection de certaines parties du corps. Il s’agit ici de souligner les formes et les courbes des danseuses et chaque costume est donc ajusté d’après les exactes mensurations du modèle qui le porte. Le célèbre cabaret dispose ainsi d’un atelier de couture créé il y a une vingtaine d’années et composé de trois personnes. Parmi les accessoires emblématiques, notons les perruques coupées au carré et aux couleurs acidulées, une création du perruquier Rafaël dans les années 1970.


 

Salles 7 & 8 – Cabaret Chez Michou

Cela fait plus de 65 ans que cette vénérable institution parisienne (que votre serviteur a eu le plaisir de fréquenter en 2013 : https://www.leglobeflyer.com/reportage-2-525-chez-michou-paris-france.html) anime les nuits montmartroises. Arrivé d’Amiens, le jeune Michel Caty reprend le bar « Chez Madame Untel » rue des Martyrs puis ouvre un restaurant en 1956. A la suite d’un séjour à Las Vegas en compagnie de Line Renaud, Michou conçoit alors une nouvelle forme de cabaret où les hommes se travestissent en femmes en incarnant et en parodiant des célébrités de la chanson. Lui-même montera sur la minuscule scène de l’établissement. Depuis la disparition de Michou en janvier 2020, sa nièce Catherine Jacquart reprend le flambeau en maintenant la tradition des Michettes.

Chaque artiste s’approprie ainsi une ou plusieurs célébrités qu’il incarne sur scène en play-back. Mistinguett, Barbara, Line Renaud, Sylvie Vartan, Liane Foly, Johnny et Céline Dion font notamment partie du vaste répertoire que l’on vient admirer du monde entier. Costumes, chaussures, maquillage, perruques et bijoux sont achetés ou fabriqués par chaque artiste.

L’histoire du cabaret Chez Michou est aussi marquée par la collaboration d’interprètes fidèles à la maison pendant plusieurs décennies, dont Michel Hennequin (dit Duduche) fera partie durant 32 ans.


 

La suite de l’exposition, organisée de manière thématique, présente des cabarets d’un genre nouveau, peuplés de créatures fantasques qui revisitent le cabaret avec élégance et insolence :

 

Salle 9 - Couture

 

Le cabaret place le corps de l’artiste au centre de l’attention et chaque artiste cherche à tout instant à se rapprocher de sa créature par le costume. Les pièces classique sont superposées, exagérées ou détournées tandis que le jeu des matières, des symboles et des genres crée des univers inédits.Il revient bien sûr au cabaret de mettre à l’honneur le corps sculpté, en reprenant une courbe,ou en fabriquant une rondeur. L’univers couture et celui du cabaret ayant de commun de savoir puiser dans les références et le savoir-faire pour annoncer les styles et le monde de demain.

 

Salle 10 - Effeuillage

 

Cet art de l’effeuillage nait en France en 1894 au cabaret le Concert Lisbonne (actuel Divan du Monde-Madame Arthur) avec le Coucher d’Yvette, numéro de pantomime interprété par l’artiste Blanche Cavelli, laquelle joue une jeune mariée qui pense à son époux absent en se déshabillant pour se coucher. Ce numéro rencontrera un tel succès que l’effeuillage sera aussitôt importé aux Etats-Unis où cet art nouveau prendra alors le nom de « burlesque »pour lui donner une tournure comique.

L’effeuillage affiche la revendication d’une liberté du corps féminin jusqu’à l’érotisation assumée.

 

 

Salle 11 - Freaks

 

Au cabaret comme chez les monstres, le corps peut aussi être déformé, et se parer de prothèses, ajouts et faux-semblants.S’appuyant sur la foire et ses phénomènes, les costumes du cabaret contemporain s’inspirent de l’organique, en mélangeant l’humain et l’animal, les âges et les cultures, le vivant et l’inerte.

 

Salle 12 – Fantastique

 

Le cabaret a ceci de fantastique que le public entre dans un monde imaginaire, invité par des créatures hors du commun pour vivre une soirée extraordinaire... où pourtant tout est réel ! Le corps est augmenté comme dans les revues du Moulin Rouge, du Lido ou du Paradis Latin, à l’aide de gabrielles revisitées, de coiffes et coiffures, de corsets et autres excroissances mystérieuses...les contrastes de couleurs, de formes, de matières et d’ajouts jouant aussi leur rôle.

 

Salle 13 – Au cabaret

 

En fin de soirée, tous les cabarets offrent un dernier tour de piste, une chanson à reprendre en choeur ou un hymne à garder en tête. Dans les grandes revues, la meneuse descend le grand escalier, accompagnée par le reste de la troupe, pour créer un tableau spectaculaire. Sur les scènes plus petites, le final se joue autour du maître de cérémonie, rejoint par tous les artistes de la soirée.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Cabarets », jusqu’au 30 avril 2024, au Centre national du costume et de la scène, Quartier Villars, Route de Montilly, à Moulins (03).

  • Catalogue de l’exposition : 127 pages, 28€.

 











 



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