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Exposition "Art Déco, France-Amérique du Nord"
(Palais de Chaillot, Paris, France)
Heure locale






 

Lundi 23 janvier 2023

 

C’est dans la continuité que la Cité de l’Architecture poursuit l’exploration de la période Art déco et fait le récit des échanges intellectuels et artistiques transatlantiques de la fin du XIXème siècle aux années 1930.Quels autres pays dans le monde ont échangé autant de sculptures commémoratives que la France et l’Amérique vantant leurs héros respectifs ? L’exposition « Art-déco – France-Amérique du Nord » que le public peut découvrir jusqu’au 6 mars 2023, montre comment notre pays a su, durant les années 1920, influencer l’architecture,les décors, le mode de vie et le gout de l’Amérique du Nord.On y trouve le récit d’échanges transatlantiques qui remontent à bien avant le Première Guerre mondiale, se poursuivent durant le conflit puis lors de l’érection des monuments commémoratifs, passeurs d’un nouveau style.

 

L’Art Training Center de Meudon et l’Ecole américaine de Fontainebleau aideront à former de nombreux architectes et artistes américains, canadiens et mexicains à l’Art déco. Et c’est tout naturellement qu’une fois retournés chez eux, ils exportent cet art nouveau en meublant les nouveaux buildings de leurs métropoles. Les universités américaines convient également la France à promouvoir leurs idées modernes tandis que notre pays construira sur le territoire américain des bâtiments grandioses comme la Banque Fédérale de Washington ou la Fondation Barnes de Philadelphie.

En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris interpelle. Les Etats-Unis n’y ont pas de pavillon national mais envoient des experts pour observer la modernité française au travers de la géométrisation des lignes, la simplification des formes, et l’utilisation de motifs décoratifs stylisés, qu’il s’agisse de l’extérieur ou de l’intérieur des bâtiments.

L’effet séduction fonctionne à merveille puisque dès l’année suivante, en 1926, les grands magasins américains comme Macy’s, Stewart & Co ou Wanamaker’s lancent des expositions itinérantes qui louent et vendent les créations françaises.

Un challenge permanent s’installe chez nous, qui mobilise les plus inventifs dans le domaine de la sculpture, de la peinture murale, du cinéma, du sport ou de l’aviation.

Survient alors la crise financière de 1929 qui contraindra l’Amérique à se remettre en question. Il y aura heureusement le « New Deal » et l’ambitieux chantier de construction, initiés par le président Roosevelt mais également la Streamline, séduisant design industriel et prolongement de l’Art déco comme à Miami Beach. Et les designers américains de proposer à grande échelle The World of Tomorrow, lors des expositions internationales de Chicago (1933) et de New York (1939).

De son côté, l’architecte français Jacques Carlu, qui défend les deux cultures, transforme le Vieux Trocadéro une fois rentré des Etats-Unis. Ainsi, le Palais de Chaillot, lieu de l’exposition qui nous intéresse aujourd’hui, peut-il être considéré comme le palais américain de Paris, aussi bien par son inspiration que par sa dimension.

 

 

Au nom d’une amitié

C’est grâce à Pierre-Charles L’Enfant, qui est à l’époque engagé volontaire dans les troupes de Lafayette que s’ouvre la voie de l’influence française sur l’urbanisme et l’architecture aux Etats-Unis. L’homme se verra confier par George Washington le dessin du plan de la capitale fédérale. Et l’Amérique d’adopter cet architecte français qui a remporté en 1891 le concours.

Autre protagoniste, l’architecte William Welles Bosworth, formé aux Beaux-Arts de Paris et artisan d’une « amitié constructive » entre les deux nations.Proche de John D.Rockefeller Jr., Bosworth s’occupera du financement des actions du puissant mécène en faveur de la cathédrale de Reims, du château de Versailles, du musée du Louvre et de l’Ecole américaine de Fontainebleau.


 

Le ciment amical de la Grande Guerre

Loin de s’étioler, cette amitié franco-américaine se renforce lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans le premier conflit mondial qui ravage l’Europe en 1917 : des soldats américains artistes rejoignent alors les unités de « camouflage » et sont formés par leurs homologues français. Puis une école de camouflage voit le jour à New-York avec l’aide d’officiers et de soldats français. L’enjeu est alors d’y former les jeunes « sammies » du général Pershing, un enjeu si important qu’il justifiera bientôt la création de l’American Camouflage Corp où s’illustrera notamment un certain Barry Faulkner, auteur de la fresque « La Paix » destinée à la chapelle du cimetière américain de Suresnes, puis co-décorateur du Rockefeller Center de New-York.

Une fois l’armistice signé, l’armée américaine décide d’ouvrir l’American Training de Meudon, dont la mission est d’occuper les « sammies » démobilisés ou en attente d’un prochain rapatriement. Cette école d’art comptera 400 étudiants américains bénéficiant d’une intense formation de trois mois aux côtés de professeurs nord-américains et de Français (tels Victor Laloux, Jacques Carlu ou Jacques-Emile Blanche).

L’Ecole américaine de Fontainebleau nait dès 1921 dans le sillage de l’inauguration du Conservatoire américain de musique en 1923. Installée dans l’aile Louis XV du château, l’Ecole des Beaux-Arts accueille tous les étés 70 étudiants de toutes origines. Jacques Carlu y enseignera l’architecture, entouré d’une solide équipe pédagogique. Lors de la Seconde guerre mondiale, cette école sera contrainte de s’exiler aux Etats-Unis avant de revenir à Fontainebleau en 1946.


 

 

La création en 1916 du Beaux-Arts Institute of Design (BAID) à New-York couronne la volonté, les efforts et la détermination de Lloyd Warren. L’homme a calqué l’organisation du BAID sur celle des Beaux-Arts de Paris. L’apprentissage de l’architecture y est ainsi complété par la sculpture, la peinture murale et la décoration intérieure, ouvrant la voie à la formation d’une génération d’architectes et d’artistes américains prédisposés au travail d’équipe. A cette même époque, des architectes français transmettent leurs idées nouvelles dans différentes universités américaines. Faut-il s’étonner qu’un d’entre eux, Léon Arnal construise en 1929 la Foshay Tower à Minneapolis, seule tour Art déco édifiée par un Français aux Etats-Unis ?

 

Le moment 1925 et son influence

En 1925, la société a changé et rentre dans la modernité. Cette année-là , le Président du Conseil Paul Painlevé savant émérite accueille la délégation américaine à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris. Cette importante délégation (une trentaine de corporations) masque toutefois le refus des Etats-Unis de présenter un pavillon à cette exposition. De retour en Amérique, un rapport complet est édité, accompagné d’expositions de produits modernes français.

L’Exposition de 1925 à Paris sera inauguré devant 4000 invités par le Président de la République Gaston Doumergue. 150 pavillons et galeries abriteront l’oeuvre de 20000 personnes. Pour une fois, la France aura su se vendre...et cette exposition internationale peut être considérée comme un résumé du style Art déco. Par la suite, nombre de créateurs participeront à l’aménagement de paquebots, comme « Ile de France » ou « Normandie » de la Compagnie Générale Transatlantique. Autant de navires qui exporteront ensuite le goût français et le savoir-faire hexagonal partout dans le monde.

Les diplomates sont quant à eux à la manœuvre, avec deux ambassadeurs d’exception, Jean-Jules Jusserand, pour la France à Washington, et Myron Herrick, pour les Etats-Unis à Paris. L’Art déco devient alors un modèle diplomatique dont chaque nation va s’inspirer. Dans le domaine des affaires étrangères, les occasions de réalisation Art déco foisonnent comme, par exemple, la construction par la France, de sa légation de Belgrade ou de celle d’Ankara. L’ambassade de France à Ottawa offre pour sa part un décor ample et raffiné imaginé par l’architecte Eugène Beaudoin.

De son côté, le Mexique entame en 1936 une double chantier diplomatique en édifiant rue de Longchamp à Paris (16ème) une spectaculaire ambassade, intégralement Art déco. Cette construction est alors confiée à l’architecte français André Durand.


 

 

L’Art déco en Amérique

Dès 1926, les grands magasins américains présentent dans leurs vitrines (dont la conception est confiée à de jeunes designers français) les nouveautés du moment. Le spectaculaire magasin Wanamaker’s de Philadelphie est souvent décoré par des Français comme Henri Marret, tandis que la maison Macy’s @ Co, plus grande surface commerciale de New York arbore des ascenseurs aux grilles art déco. Dans cette même ville, le magasin Stewart est construit par Whitney Warren, un magnifique bâtiment seulement orné de deux bas-reliefs aux danseuses de René Paul Chambellan et d’une entrée parée d’une grille splendide du sculpteur Trygve Hammer.

 

Muralistes et ensemblier se surpassent pour mettre en valeur les immeubles qui leur sont confiés :

 

- Les peintures murales présentées lors de l’exposition de 1925 subjuguent certains visiteurs américains : Rodman Wanamaker passe la commande de copies de ces fresques pour les exposer dans son magasin de Philadelphie. George Desvallières se voit quant à lui confier la décoration de l’église Saint Jean-Baptiste de Pawtucket à Rhode Island en 1926. Le directeur de la Paramount, Cedric Gibbons, est séduit par Jean Dupas dont certaines des toiles figureront désormais dans (presque) tous ses films hollywoodiens. Louis- Pierre Rigal, auteur du plafond de Ruhlmann est embauché pour décorer le nouvel hôtel de prestige, le Waldorf-Astoria de New York. Et en 1930, Mathurin Méheut et son élève Yvonne Jean Haffen partent aux Etats-Unis pour réaliser la décoration du siège social du Ketchup Heinz.

 

- En 1926, une exposition itinérante des créations issues de l’Exposition de 1925 ouvre ses portes à Boston. Elle est organisée par The American Association of Museums. Les grands magasins suivront le mouvement en mettant sur pied d’importantes expositions, et partout les décorateurs français sont sollicités et certains artistes indépendants ont même leur clientèle fidèle. D’ailleurs, au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, l’upper class nord-américaine, francophile et francophone, devient la meilleure représentante du nouveau style Outre-Atlantique.

 

 

Challenges transatlantiques

Les unions franco-américaines sont nombreuses lors de la Première Guerre mondiale. De nombreux sammies épousent de jeunes Françaises et les ramènent aux Etats-Unis. Quant à la période Art déco, elle va multiplier les mariages transatlantiques : le décorateur Paul Iribe se marie avec une riche Californienne,Maybelle Hogan, et le fresquiste Jean Despujols tombe amoureux de la musicienne Millicent Morgan et part vivre avec elle à Shreveport (Louisiane). De passionnants challenges franco-américains professionnels cette fois se multiplieront également durant toute la période Art déco, dans les milieux de la presse, du cinéma, de l’aviation, du sport et des nouvelles mœurs.


 


L’effet boomerang

La crise de 1929 frappe durablement le dével
oppement de l’Art déco en Amérique : à New York, les programmes de construction prennent du retard et certains ironisent sur l’inachèvement de l’Empire State Building que l’on surnomme désormais L’Empty State Building. Pourtant, des deux côtés de l’Atlantique, on s’active pour soutenir l’activité. La France s’affaire autour du paquebot Normandie,en 1935, pour le parer d’un prestigieux décor et les Etats-Unis lancent le New Deal.

Les expositions internationales reprennent comme à Chicago en 1933, avec l’exposition « A century of progress » qui présente des pavillons ultra-modernes où s’appliquent pour la première fois l’esthétique Streamline . Puis celles de Dallas et Cleveland (en 1936), et de New York (en 1939). Autant d’évènements qui voient l’Art déco s’américaniser.

La Streamline succède ainsi à l’Art déco et gagne les foyers de la Middle-Class américaine.

La Grande Dépression aura un fort impact sur les carrières des architectes expatriés français. Certains, comme Jacques Carlu décide de rentrer en France en 1934 et se voit confier la responsabilité du palais du Trocadéro à Paris, en tant que conservateur en chef de l’édifice. Notre homme réfléchit bientôt au devenir du bâtiment qui lui a été confié et finit par proposer les plans du nouveau palais de Chaillot, un ensemble très convaincant à l’allure toute « washingtonienne ».


 

La Streamline

 

Le style Streamline (qui signifie « cours du ruisseau ») est né aux Etats-Unis durant la Grande Dépression de 1929, en réaction au développement d’une esthétique industrielle et à l’apparition de la profession de designer.

Le président Franklin D. Roosevelt souhaite relancer emploi et consommation par sa politique du New Deal et l’heure n’est plus à la démesure.Ces nouvelles formes architecturales épurées vont symboliser le progrès et la reprise économique tant attendue.

Ce nouveau style affiche clairement une préférence pour les formes courbes et les objets créés dans ce style offrent la plupart du temps une signature ornementale particulière formée de plusieurs lignes horizontales en creux ou en relief. C’est « traits de vitesse » représentent la rapidité de déplacement dans l’espace.

Il n’en faut pas davantage pour que ce nouveau style devienne le style populaire, américain, d’autant plus qu’on le retrouve partout, tant sur les objets du quotidien que sur les bâtiments (gares, stations-services, aérodromes...)

Pendant ce temps, à Miami Beach, l’Art déco devient Tropical Deco : station extrêmement fréquentée, Miami Beach prend le virage du très grand luxe pour milliardaires au cours des années 1930 pour évoluer vers un style balnéaire destiné à Monsieur Tout-le-Monde.

Après l’ouragan de 1936, il faut tout reconstruire (tout comme après le séisme de 1931 à Napier - Nouvelle-Zélande) et les promoteurs choisissent un Art déco streamlinisé. C’est le toit-terrasse plat de certaines constructions qui qualifie ce style alternatif de « Tropical Deco », Un style qui intègre des fenêtres filantes tout le long de la façade.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Art Déco, France-Amérique du Nord », jusqu’au 6 mars 2023, au Palais de Chaillot, 1

            Place du Trocadéro, à Paris (16ème). Www.citedelarchitecture.fr #ExpoArtDeco


  • Catalogue de l’exposition, sous la direction d’Emmanuel Bréon. Co-édition Cité de l’Architecture et patrimoine/Norma éditions. 300 pages, 45€





 



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