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Les Héros de la France éternelle - Charles V
(20) (France)
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Lundi 25 avril 2022

 

Successeur du roi Jean II le Bon, Charles V dit « le Sage » règnera sur la royaume de France de 1364 à 1380, soit seize années. Un règne qui marquera la fin de la première partie de la guerre de Cent Ans, mais aussi la récupération des terres perdues par ses prédécesseurs. Un règne florissant au cours duquel Charles V restaurera l'autorité du pouvoir royal et sortira notre pays de cette période compliquée qui associait les lourdes défaites militaires de Crécy et de Poitiers à la grande peste noire des années 1347-1351.

 

Né à Vincennes en 1338, Charles V est éduqué à la cour avec d'autres enfants dont il restera proche. Sylvestre de la Cervelle, son précepteur, lui enseigne le latin et la grammaire, et l'enfant de devoir affronter plusieurs décès successifs, dont celui de sa mère et de sa grand-mère, toutes deux victimes de la peste noire, en 1348, puis de Philippe VI, son grand-père, deux ans plus tard.

Bientôt, le jeune garçon devient le premier dauphin de la maison de France, et se retrouve confronté, à l'âge de douze ans, à l'exercice du pouvoir. A Grenoble, il reçoit le serment de fidélité des habitants en échange de sa promesse de respecter la charte communale, et les libertés et franchises de son prédécesseur le comte Humbert II.

Le 8 avril 1350, Charles épouse sa cousine Jeanne de Bourbon, à Tain-l'Hermitage, après avoir lui-même échappé à la peste noire un an plus tôt. Débordant d'énergie, le jeune dauphin met tout en œuvre pour se faire reconnaître par ses sujets et intercéder pour faire cesser la guerre sévissant entre deux familles de vassaux.

En septembre de la même année, Charles assiste au sacre de son père Jean le Bon, et lui-même nommé chevalier de l'ordre de l'Etoile.

 

Premier défi du jeune Charles : organiser, en mars 1355 la défense de la Normandie en levant les fonds nécessaires via l'impôt. A l'époque la Normandie pose un problème au clan royal. Celle-ci, désunie de l'Angleterre depuis 1204, abrite des propriétaires fonciers (noblesse et clergé) qui, eux, ont conservé des terres dans les deux camps et ont tout intérêt à ne pas se ranger derrière un souverain s'ils ne veulent pas se voir confisquer leurs propriétés par la partie adverse. La noblesse normande s'organise donc en clans solidaires, tout en négociant des chartes leur permettant de jouir d'une certaine autonomie.

Pour parvenir à ses fins, le dauphin devra convaincre Charles le Mauvais (Charles II de Navarre). Le jeune Charles sait se montrer sympathique, prend le temps d'écouter ses interlocuteurs et parvient finalement à se faire accepter. L'Histoire fournira à Charles bien des occasions de déployer ses talents : alors que la guerre de Cent ans tourne à l'avantage des Anglais, son père Jean le Bon et son frère Philippe sont capturés en 1356 puis emprisonnés à Londres. Charles reprend alors en main le royaume de France, malgré son jeune âge (18 ans) et son manque de prestige personnel, et doit affronter l'opposition des Etats généraux qui lui imposent ses conseillers. Charles ajourne sa réponse, congédie les Etats généraux et quitte Paris, en laissant à son frère Louis le soin de régler les affaires courantes. Avant de partir, Charles publie une ordonnance promulguant une nouvelle monnaie, afin de lui permettre de renflouer ses caisses, sans dépendre de l’Assemblée. Cette décision renforce la noblesse, le clergé et le patriciat urbain mais déchaine la colère des Parisiens qui voient leurs loyers augmenter de 25%. Qu'importe. Charles se rend à Metz pour rendre hommage à son oncle l'empereur Charles IV et obtenir ainsi son soutien diplomatique. Puis il rentre à Paris et accepte la promulgation de la « grande ordonnance » et un vaste plan de réforme administrative.

 

Tout vient à point qui sait attendre, puisque Charles de Navarre sera bientôt libéré. Charles le Sage, mis devant le fait accompli, ne peut alors refuser cette libération, et Charles de Navarre, d'asseoir sa position en Normandie avec ses partisans une fois sorti des geôles, en montant une armée et en séduisant la noblesse et les bourgeois de Normandie. Charles le dauphin riposte et organise comme il peut la défense du royaume contre les nombreux mercenaires qui pillent le pays. Jean le Bon, lui, est toujours entre les mains des Anglais et désavoue le dauphin qui parvient pourtant à mettre la population de son côté face aux Etats généraux. Résigné, Jean le Bon accepte de signer le premier traité de Londres, en janvier 1358 : cet accord prévoit de céder aux Anglais les anciennes possessions d'Aquitaine des Plantagenêt (un tiers du royaume), de payer une rançon de 4 millions d'écus et de maintenir les prétentions d'Edouard III à la couronne de France. Etienne Marcel (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Marcel), prévôt des marchands de Paris sous le règne de Jean le Bon, qui cherche à instaurer une monarchie française contrôlée en affrontant le pouvoir détenu par le jeune Charles, exploite le tollé causé par ce traité en utilisant la foule mécontente. Cette même foule envahit alors le palais de la Cité : deux maréchaux sont assassinés devant le dauphin, qui croit un temps sa vie menacée. Etienne Marcel le coiffe alors du chaperon rouge et bleu (couleurs de Paris) des émeutiers et le contraint à renouveler l'ordonnance de 1357. Il l'épargne cependant, pensant pouvoir aisément contrôler le jeune homme. L'avenir prouvera le contraire. Charles ne peut qu'accepter un nouveau changement institutionnel, cédant le gouvernement et les finances aux mains des états. La ratification de cette ordonnance exige toutefois l'accord de la noblesse, qui ne veut plus se réunir à la capitale après les assassinats des maréchaux. Celle-ci, réfugiée à Senlis, permet au dauphin de s'échapper de Paris le 25 mars, de rallier les nobles à sa cause et d'organiser le blocage de la capitale: Etienne Marcel est fait comme un rat et se prépare à combattre avec ses partisans.


 

Le dauphin réunit alors les Etats généraux à Compiègne en mai 1358. Et s'enquiert des malversations, des dépenses publiques, tout en protégeant le commerce et les échanges (suppression de nombreux péages et autres taxes sur les matières textiles...) en diminuant de moitié l'impôt sur le sel et en réduisant le nombre de gages et l'immunité des agents fiscaux. Au final, les Etats généraux décident du prélèvement d'un impôt sous leur contrôle et d’un renforcement monétaire.

Ces levées fiscales votées à Compiègne vont entrainer l'éclatement de jacqueries paysannes immédiates qui reçoivent rapidement les renforts d'Etienne Marcel et de ses partisans: exactions contre les nobles, ralliement de mercenaires anglais, bref, la jacquerie se termine par un carnage dont Charles de Navarre porte la responsabilité. Suivra la reconquête de Paris, l'acceptation d'un second traité de Londres par Jean le Bon, en mars 1359 pour lui permettre de reprendre les rênes du royaume de France et le Traité de Brétigny qui autorisera la libération de Jean le Bon, avant de retourner se constituer prisonnier en Angleterre pour compenser l'évasion de son fils Louis. Comme si cela ne suffisait pas, une guerre de succession en Bretagne s'amorce tandis que la lutte contre les Grandes Compagnies (dont les pillards saignent le pays) devient une priorité pour le dauphin Charles devenu Charles V depuis son sacre en tant que roi de France à la cathédrale de Reims, le 19 mai 1364. Le mot d'ordre est alors de rester ferme et de refuser de négocier avec les truands. Chevaliers, villes et paysans envoient des contingents et les routiers français coupables de malversations sont exécutés sur le champ, et les étrangers soumis à rançon.

Bientôt, l'armée est réorganisée, grâce à l'instauration d'un impôt permanent. Dans le même temps, la lutte contre les Grandes Compagnies aura permis de repérer les capitaines fiables et fidèles, à l'exemple de Bertrand Du Guesclin, ou Olivier de Clisson. Une armée de 5000 à 6000 hommes est créée.

Charles V déploie parallèlement une intense activité diplomatique et Avignon, résidence pontificale, devient alors le centre diplomatique de l'Europe. Le roi noue aussi des alliances espagnoles en 1368, réactive la Auld Alliance en 1371, obtient le soutien des Ecossais et cherche à obtenir la suprématie maritime afin d'isoler l'Angleterre. S'ensuit plus tard la neutralisation des alliés des Anglais et la condamnation du Prince noir, qui, ruiné, ne peut monter une armée pour contrer le royaume de France. En 1370, les Anglais acculés contrattaquent, mais la flotte de Castille intercepte le corps expéditionnaire anglais à La Rochelle en 1372. L'Angleterre perd alors la maitrise des mers. Du Guesclin continue de progresser sur le littoral jusqu'à La Rochelle et d'autres villes sous occupation anglaise (Angoulême, Saint-Jean-d'Angely et Saintes) se rendent. Et la Bretagne de suivre le mouvement avec l'entrée de l'armée française en mars 1373 à Saint-Malo. Les Anglais, qui ne contrôlent plus que le port de Brest (point de départ aux attaques répétées de Saint-Malo) exaspèrent Charles V, lequel confisque le duché de Bretagne, sans pour autant user de la force pour le conserver.

 

En janvier 1378, Charles V reçoit son oncle, l'empereur germanique Charles IV, car, faute d'avoir été reconnu victorieux par les Anglais le roi souhaite avaliser sa souveraineté par l'un des souverains les plus puissants d'Europe. Le roi de France s'éteint le 16 septembre 1380 à Beauté-sur-Marne.

 

Le plus grand défi de Charles V aura été la restauration de l'autorité de la couronne après les événements de 1357-58, alors que le royaume était entre les mains des Grandes Compagnies et en état de non-droit. Pillages récurrents, insécurité des routes par les pillards et instabilité monétaire mettaient à mal le commerce.

La relance économique aura donc lieu en utilisant ce franc à très forte teneur d'or créé par son père Jean le Bon en 1360, et dont Charles V, son fils, garantira la stabilité, favorisant ainsi les échanges. Contre la fin des mutations monétaires si contestées, il impose la création d'une fiscalité contrôlée par des officiers royaux pour financer l'effort de guerre et le paiement de la rançon de Jean le Bon. Il recourt à des aides (impôts indirects prélevés à tous les niveaux de la société, sur les biens, les denrées, les moyens de transport...) dont le fouage (impôt ordinaire ou extraordinaire perçu sur chaque foyer) pour remplir les caisses royales.

Une politique de grands travaux est instaurée avec la construction de fortifications, laquelle permet de créer du travail et de réinjecter des liquidités dans l'économie. En quelques années, l'économie redémarre et les rentrées fiscales s'élèvent à 1,6 million de Francs par an.

 

Charles V impose un nouveau mode de gouvernement, entouré de généraux qui le conseillent, dont Bertrand Du Guesclin qu'il nomme connétable de France en 1370. Nicolas Oresme, lui, sera responsable des Finances, et Guillaume de Dormans, puis Pierre d'Orgemont ses chanceliers successifs. Suit bientôt la politique des apanages (concessions de fiefs), sorte de décentralisation, afin d'améliorer la gestion des provinces éloignées de la capitale. Ces provinces, confiées à la famille proche du roi, disposent de l'impôt permanent récolté par le roi, et d'une armée comprenant chevaliers ainsi que des troupes envoyées par les villes et paysans lorsque nécessaire. Une armée professionnalisée et financée en permanence.

Sous Charles V, l'Etat de droit prévaut : le roi s'entoure de juristes et fait appel à la cour de justice pour rendre certaines décisions, garantissant l'équité à ses sujets tout en restaurant l'autorité royale. Il matérialise la séparation des pouvoirs entre gouvernement et administration transférant cette dernière au Château de Vincennes.

Une ordonnance sur les forêts est aussi instituée : devant la raréfaction du bois à la suite des défrichages répétés depuis le X ème siècle, Charles V promulgue en 1376 un texte de 52 articles sur les forêts. Celles-ci sont confiées à six maitres forestiers chargés d'inspecter les lieux deux fois par an et de remettre leurs conclusions à la Chambre des Comptes.

 

La reconquête du royaume passe par la tâche de convaincre les territoires de rejoindre le royaume de France, en octroyant par exemple des facilités fiscales aux villes susceptibles de « tourner français ». Autant de mesures conciliatrices contribuant à rendre populaire la couronne. Ensuite, la reconquête est limitée aux villes de Bordeaux et de Calais, villes farouchement pro-anglaises pour des raisons économiques (vente massive de vin et de laine aux Anglais). Enfin, le roi souhaite que la couronne regroupe l'ensemble des patries du royaume, avec Paris comme liant, une vision nouvelle de la souveraineté qui ressemble pour la première fois au concept de nation. Ce désir d'appartenance nationale à la France sera l'un des facteurs qui permettra la résolution du conflit de 1475.

Quant à l'image du roi, elle se traduit par la noblesse du personnage, noblesse se traduisant par une grande sagesse, l'usage de la magnanimité, de la clémence et de la libéralité. L'image d'un roi sage, à la fois saint et savant s'impose alors comme s'insérant dans la sainte lignée de saint Louis. Le roi lui-même ne décore t-il pas ses différents logis avec images saintes, reliquaires, statuettes ou tableaux figurant la Vierge ou des saints ? Et Charles V de faire modifier les armoiries royales de France en y incluant trois fleurs de lys.

Le souverain veille à s'exprimer avec magnificence tout en manifestant un goût pour le luxe. Les journées du roi sont codifiées par des rituels cérémonieux, tandis que Charles V prend le lion comme symbole, à la fois roi des animaux et sigle de Saint Marc.

Souffrant d'une maladie de jeunesse, sa main droite, enflée, ne peut manier d'objets pesants, ce qui l'écarte des tournois et des champs de bataille. Cela ne lui retire aucunement son sens aigu de la majesté royale, son esprit vif, son gout pour l'instruction, sa dévotion à à supporter les épreuves et sa piété. Il manifeste aussi une attirance pour l'astrologie, l'astronomie et la géomancie.

Durant son règne, une large place est faite aux arts et à l'architecture : construction d'un puissant et haut donjon au château de Vincennes, mais aussi une Sainte Chapelle abritant une épine de la couronne du Christ. Presque toutes les constructions royales sont érigées à Paris et dans les alentours, la capitale matérialisant l'unification du royaume par la couronne. L'image du roi est partout, au Louvre, au Châtelet, sur le portail des Célestins et à la Bastille. Patron des arts, Charles V reconstruit le Louvre en 1367 et y fonde la première librairie royale, dotée d'un millier de manuscrits et destinée à former une élite administrative, qui deviendra quelques siècles plus tard la Bibliothèque nationale de France. Il entreprend aussi une politique de vulgarisation et fait traduire en français de nombreux ouvrages scientifiques et techniques, des traités d'astrologie et d'histoire, des textes d'Aristote ou des œuvres religieuses. Quant à l'érection des fortifications parisiennes, elle se veut utilitaire au même titre que la construction du premier égout de Paris, rue Montmartre, en 1370. D'autres villes disposeront également de fortifications, même si la capitale déploie les travaux les plus imposants : protection de la rive gauche avec un nouveau rempart dit « de Charles V », et un tracé fortifié de cinq kilomètres sur la rive droite, agrémenté d'une suite d'ingénieux fossés et remblais de terre. Charles V fait ériger sur ses fonds propres la Bastille pour prévenir une invasion par la porte Saint-Antoine et pour couvrir la route menant au château de Vincennes en cas d'insurrection populaire.

Enfin, sous le règne de Charles V, le royaume de France s'affirme comme un Etat souverain et indépendant du Saint-Empire ou de l'Eglise. Le grand schisme d'Occident contribuera d'ailleurs à affirmer l’autonomie du royaume de France vis à vis du Saint-Siège.

INFOS PRATIQUES :

  • « Charles V, 1364-1380 : Fils de Jean II le Bon » de Georges Bordonove (Pygmalion)









 



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